Lycée Ermesinde

Lycée public autonome à plein temps

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E Schüler vum LEM gewënnt de Prix Laurence!

D’Entreprise Sätzwierk felicitéiert dem Harry Boutou (4C6) fir d’éischt Platz beim Prix Laurence mat sengem Text ‘Repos Estival’. Mir gratuléieren och dem Raphael Lanscotte Wietor (5C4) deen et mat sengem Gedicht ‘Les 100 mots’ ënner d’Finaliste gepackt huet. Hier Texter hunn beim Prix Laurence 2023 ënnert 188 Texter, vun 123 Auteuren aus Lëtzebuerg, der Grouss-Regioun, Litauen an Italien, erausgestach.

 

Repos estival – Harry Boutou 4C6

 

Je me souviens de cette journée comme d’un jour pluvieux. Il avait fait beau toute la semaine, mais lentement l’atmosphère s’était alourdie, laissant place à une nuit d’intempérie. Le soleil matinal avait vite fait sécher les rues détrempées et pourtant l’on respirait encore dans l’air cet arrière-goût de pluie. 

Je revenais alors seulement de mon voyage, peu après la fin de ce harassant mois de juillet. J’avais entrepris de traverser le nord de L’Italie avec un groupe d’amis, ainsi revenir à la fraîcheur de ma ville ne me plaisait que d’avantage.

J’avais débarqué quelques jours plus tôt, traînant mes valises hors du seul bus qui passait de la journée. L’académie ne reprenant qu’en mi-septembre, mais je m’étais pressé dans le premier train pour profiter de ce long mois d’août. Mon patelin était toujours vide lors de cette période, ne gardant que quelques étudiants acharnés ou redoublants. C’était le cadre parfait pour moi, personne dans les rues, pas un bruit dans l’immeuble. Pas un chat pour déranger mes journées.

J’avais découvert ce cadre lors de ma première année. Une ancienne connaissance avec qui je devais passer le mois d’août avait décidé de me lâcher sans nouvelles et j’ai dû me résigner à rentrer dans mon triste deux-pièces. Pourtant, je m’y sentis rapidement plus léger que jamais, profitant de ce silence si rare dans cette vie. Conforme à mes habitudes, je réservais dès-lors mes mois d’août à ma solitude.

 

Cette année-là n’était pas bien différente des dernières, à la différence que j’étais désormais l’assistant d’un de mes professeurs. J’avais volontiers accepté son offre, appréciant particulièrement sa présence et ses conseils. Dès que ce dernier eu appris que je me trouvais déjà en ville, par un quelconque commérage de quartier, il s’empressa de me contacter. Selon ses dires, passer son mois enfermé n’était pas une bonne idée et il vaudrait mieux pour moi que de changer un peu d’environnement. Sans écouter mes protestations, il m’invita donc à utiliser son atelier tant que les cours n’avaient pas commencé, m’indiquant que le concierge possédait la clef.

 

Les premiers jours, j’ignorais royalement sa proposition, préférant peindre depuis ma fenêtre, coincé entre mon oranger et mon ficus. Cela ne me dérangeait guère en réalité, c’était de ça dont j’avais l’habitude. Mes volets étaient à moitiés fermées pour me préserver du soleil et dans l’obscurité de la pièce, je passais des heures penché sur mes toiles.

Pourtant, au bout d’une petite semaine, l’ennui commençait à se faire sentir. Cela devait faire deux jours que mes peintures tournaient en boucle, toutes d’un vert pomme qui commençait à me donner la nausée. J’aurais bien voulu suivre mes idées de base, composer de meilleures œuvres, mais rien à faire, à chaque fois que je venais à me perdre dans ma toile, j’ajoutais des quantités effrayantes de variantes de vert.

Le lendemain je pris donc la décision de prendre mon courage à deux mains, ainsi, armé de quelques toiles, je me dirigeais vers l’académie. Par chance, j’avais eu un esprit vif lors de la location de mon appartement et l’établissement ne se trouvait qu’à quelques pas de là. Il suffisait de descendre une longue rue, qui passait d’ailleurs par une boulangerie aux viennoiseries délicieuses et d’une petite libraire au propriétaire fort sympathique, avant de traverser un passage piéton pour arriver.

Ce passage piéton, je m’en souviendrai toujours. C’était là que je l’avais vu, tout vêtu de gris

 

Je sortais seulement de l’atelier, ayant profité de cette longue journée pour commencer une nouvelle toile plus imposante. Le soleil se couchait déjà et le ciel était teinté de rose, donnant à son long manteau une teinte plus coloré. Il avait l’air d’attendre là depuis longtemps, les mains croisées derrière le dos comme le ferait un vieillard. Pourtant, il venait seulement d’arriver devant le passage, je l’avais vu s’avancer et son manteau flottait encore à la suite de ses derniers pas.

Je n’avais plus l’habitude de m’arrêter au passage piéton, la ville étant tellement déserte qu’aucune voiture ne passait dans le coin. Mais cette étrange silhouette s’y était arrêtée et sans plus me poser de questions, je l’avais imitée.

J’avais le regard perdu dans le ciel, teinté de magnifiques couleurs que je désirais apporter à mon travail suivant. Je réfléchissais, laisser couler mes pensées dans un flot de questionnements. Avais-je bien fermé les volets ce matin ? J’avais beau les fermer de jour, j’appréciais la lumière extérieure quand il s’agissait de dormir. Les cours n’allaient pas tarder à être mis en ligne, allais-je choisir les cours d’anatomie ou resterai-je sur l’histoire de l’art ?

 

Perdu dans cet enchevêtrement de pensées, je ne vis pas les minutes passer. C’est un raclement de gorge qui me tira de ma rêverie. L’homme avait peut-être voulu m’informer du passage du feu au vert, mais d’un regard, je vis le feu, toujours rouge. Cela avait beau faire un moment que je n’avais pas traversé cette tout dans les règles, pourtant de souvenir le feu ne durait pas tant de temps.

D’un regard interrogateur, je me tournais alors vers celui qui se cachait derrière ce grand manteau. Avec du recul, je m’étais fait la remarque que c’était fort rare que de voir un passant armé d’un manteau par cette chaleur, mais à l’instant même aucune pensée ne me vint.

 

C’était un homme comme un autre. Dans une foule, je ne lui aurais même pas jeté un coup d’œil, serait passé à côté sans m’arrêter. Il y a de ces visages qui marquent, que ce soit par leur beauté étonnante, des traits atypiques ou des regards intrigants. Tous les jours l’on croise de ces gens sur lesquels on s’attarde quelques secondes de plus. Mais là, devant cet homme qui avait tout de commun, je restais figé. De longues secondes s’écoulaient sans que je n’arrive à reprendre mes esprits, perdu dans ma contemplation.

 

Un second raclement de gorge me tira de ma transe. Sans totalement détacher mon regard du sien, j’ouvris la bouche en quête de mots.

 « Bonjour jeune homme, inspira l’individu d’une voix profonde. Elle semblait venir de loin, de tout au fond de lui, comme s’il avait dû aller chercher dans la partie la plus éloignée de son esprit pour se rappeler comment s’en servir. Belle journée d’été n’est-ce pas ? »

 

Je m’étais alors fait la remarque que c’était peut-être bien un vieillard. Son visage était entre deux âges, perdu entre ses rides et son regard d’enfant, comme s’il s’était composé d’âmes d’autres temps.

 Le feu était désormais passé au vert, mais je ne m’avançai pas. Lui non plus n’esquissait pas un mouvement, c’est à peine s’il jeta un regard en direction de la lumière clignotante. Peut-être était-ce ma politesse qui me retenait de partir sans un mot, peut-être que ce voile de mystère qui l’entourait m’attirait. L’issue était la même, je ne bougeai pas d’un pas, observant les différents choix qui s’étalaient devant moi. J’aurai pu lui sourire, sortir une banalité avant de m’en aller continuer ma journée, tout autant que lui faire galamment la conversation avant de prendre un café à ses côtés. L’on peut clamer haut et fort que le destin a tout dit, que les choses sont faites, renvoyant les films qui se jouaient alors dans ma tête à leur état d’illusions.

Mais au final, on a une part de responsabilité dans notre destin, lors de ces quelques instants de silence, j’en fus intimement persuadé. La main m’était tendue, mais les seuls mots que je fus à même d’articuler lui arrachèrent un sourire moqueur, celui qu’un aîné tire quand un bambin bégaye :  «  Je sais et tu sauras toi aussi, bientôt, il suffit de faire preuve d’un peu de patience ».

 

 «  Cela faisait un bon bout de temps que je n’étais pas sorti par un temps si agréable, reprit-il de sa voix caverneuse. Il n’avait pas tort, je rentrais chaque soir en maudissant les rues étouffantes au béton brulant et aujourd’hui, il faisait bon. De longs courants d’airs passaient entre les rues, propageant un souffle tiède dans la ville.

 

— Moi non plus, répondais-je d’un air entendant. Un peu de fraîcheur ne peut pas nous faire de mal ». Il hocha vivement la tête, satisfait de ma réponse. Il semblait si léger, presque fait de vent malgré sa carrure.

 

Quelques secondes s’écoulèrent, laissant le temps au feu de repasser au rouge. Il tendit le bras pour appuyer sur le boîtier jaune, faisant craquer tous ses os au passage. Pris d’un frisson, je me revois enfant, appuyant encore et encore sur le boîtier pour faire passer le feu au vert. Il fallait bien presser le bouton une dizaine de fois d’affilée avant que le feu ne se décide enfin à changer et déjà, j’étais reparti, courant dans les rues de mon village d’enfance.

 

«  Excusez-moi monsieur, commençai-je hésitant. Je n’arrivais pas à comprendre d’où venais mon besoin de le questionner, m’en mordant déjà les doigts. J’avais toujours été de nature curieuse, bien qu’avec le temps cette quête de savoir se noyait sous le correct, des étiquettes de politesse que je n’osais plus franchir. Puis-je me permettre de vous demander pourquoi vous n’avez pas traversé lorsque le feu était vert ?

 

 — Et toi jeune homme, répondit-il tout sourire, qu’est-ce qui t’a poussé à rester là ? Il appuya une seconde fois sur le boîtier, du même geste que la première fois, avant de se tourner vers moi comme s’il attendait ma réponse.

 

 — Vous opposais-je sans même avoir à penser. C’était vrai et aucune autre réponse ne me serais venue, je le sais, peu importe combien je l’aurais ressassé en quête d’une évidence, cela aurait été une bien vaine cause ».

 

Il secoua la tête, chassant son éclat de rire d’un coup de main. Il tendit une nouvelle fois la main vers le boîtier avant de se ressaisir, se tournant vers moi, le sourire toujours aux lèvres. 

« Vois-tu jeune homme, ce boîtier jaune est vide. Ce n’est possiblement pas le cas de tous les boîtiers du monde, reprit-il de sa voix grave, certains disposent peut-être d’un véritable impact sur le changement de couleur du feu. Mais pas celui-ci ».

Il marqua une nouvelle pause, tendant une énième fois sa main vers le boîtier pour presser le bouton. Je me rappelle maintenant que sa main était légèrement fripée, pas au point d’être couverte de rides, mais malgré tout empreinte d’une certaine vieillesse.

« J’aurais beau appuyer dessus, le feu ne passera pas au vert plus rapidement. Du moins, il ne passera pas au vert dans un laps de temps plus court, indique-t-il, attentif à ce que je ne me perde pas dans ses mots. Lorsque j’appuie sur ce bouton, ce que je demande au feu, ce n’est pas tant de passer au vert plus vite, que de m’en donner le sentiment. J’accorde au boîtier une attention et en échange, il me distrait de l’impatience naissante, affirma-t-il enjoué ».

 

Ne trouvant rien à ajouter, je m’étais tu, laissant le temps à l’idée qu’il avait émis de mûrir un peu. Le regard dans le vague, perdu dans mes réflexions, je discernai le feu, passé au vert. Relevant la tête pour voir s’il l’avait vu lui aussi, je croisai son regard rieur. Il semblait m’inviter à traverser la route, à continuer mon chemin. Je n’étais là que depuis trois minutes, quatre tout au plus, mais mes jambes s’étaient déjà engourdies alors que je traversai le passage piéton.

Je ne sais plus trop ce qui me fit sourire, partagé entre la partie de moi qui ne pouvait s’empêcher d’imiter les rires qu’elle rencontrait et l’autre charmé, par cet inconnu au discours seyant, ce coucher de soleil qui colorait le ciel d’un rose clairsemé et le doux souffle du vent dans les rues.

Alors qu’on s’éloignait, chacun de son côté, chacun au rythme de son propre pas, je me tournais une dernière fois vers lui pour l’interpeller.

 « Monsieur ? Je vous souhaite une belle fin de journée », lui criai-je de joie, porté par les sentiments qui m’accompagnaient désormais. Il avait l’air de se trouver à une centaine de mètres, certainement plus, toutefois je le vis hocher de la tête et sourire d’un air entendu avant qu’il ne se retourne, continuant son chemin.

 

Il est possible que ce soit dû à la distance que j’avais pris vis-à-vis de mes semblables, me coupant des voix du monde pour mieux me perdre dans la mienne. Tout comme il est possible que ce ne soit dû qu’à l’ambiance de ce soir-là, qui enveloppait toute la ville d’un air féerique.

Peu importe la cause ou la raison, ce contact humain avait l’air précieux. Comme un secret qu’on se chuchote enfant, cette rencontre ne quitta pas ma mémoire, ni par l’oubli, ni par la parole. Je pris de l’âge en gardant jalousement ce souvenir, peut-être dans l’attente d’un jour revoir cet homme, debout devant un feu piéton et d’attendre à ses côtés que le bon moment pour traverser se présente.

Et qui sait, peut-être qu’au lieu de le revoir, je deviendrai moi aussi cet inconnu à la voix sifflante, égarant mes songes dans des villes absentes.

 

Les 100 mots – Raphael Lanscotte Wietor (5e)

 

Je me demande toujours et encore, comment la vie,

N’est qu’une poésie.

Chaque jour vécu, est un jour perdu.

Chaque mémoire n’est qu’un répertoire

La démocratie est un cadeau, mais la hiérarchie un fardeau

La joie n’est qu’un sentiment et la beauté qu’une illusion

Le confort est un trompeur et le politicien un menteur

La mort est l’inévitable et l’humanité l’incapable

L’amitié un don donnée, la religion un mensonge devenu réalité

L’histoire est mentionnée, le passé représenté

Les balles sont tirées et le sang est jeté,

Mais il n’y a pas de vérité

Le monde est dévasté, Rammstein a arrêté