Rousseau identifie la perfectibilitĂ© et lâhistoricitĂ© comme Ă©tant les deux caractĂ©ristiques essentielles distinguant lâhomme de lâanimal.
La perfectibilitĂ© de lâhomme se trouve liĂ©e Ă sa capacitĂ© de sâarracher Ă la nature, de dĂ©velopper petit Ă petit une culture et une moralitĂ© tendant vers la sagesse et la vertu.
Lâhomme est en outre dotĂ© dâune double historicitĂ©, individuelle et sociale, dans le sens oĂč ce dĂ©veloppement dĂ©pend de ses conditions de vie individuelles et sociales.
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La perfectibilitĂ© rend possible et nĂ©cessaire lâĂ©ducation, se confondant, au sens gĂ©nĂ©ral, avec lâhistoire personnelle.
La perfectibilitĂ© et lâhistoricitĂ© de lâhomme fondent sa diversitĂ©.
La diversité est communément reconnue pour prévenir la tyrannie (Montesquieu), pour engendrer la tolérance et la paix (Voltaire), pour engendrer la richesse, la complémentarité et la coopération (Rousseau).
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LâĂ©cole dite rĂ©publicaine, pourtant, dans son Ă©lan dâĂ©galitĂ©, a du mal avec la diversitĂ©. Afin de garantir lâĂ©galitĂ© des chances, elle privilĂ©gie la neutralitĂ©. Câest bien pour cela quâelle a tendance Ă ĂȘtre entiĂšrement dans la transmission. Elle ne veut pas entendre ce quâelle nâa pas donnĂ© elle-mĂȘme. Câest pourquoi elle emploie des enseignants (du lat. insignare, marquer dâun signe) appelĂ©s Ă tout donner et Ă ne rien entendre, Ă donner (enseigner) plutĂŽt quâĂ prendre (apprendre). LâĂ©cole en reste dans lâartifice le plus total, car tout ce quâelle demande aux Ă©lĂšves, câest de produire ce quâelle sait dĂ©jĂ , de rendre ce quâelle a donnĂ©. Elle ne veut rien savoir des histoires de ses Ă©lĂšves et de son personnel. Elle ne veut savoir que ce quâelle sait dĂ©jĂ . Autrement dit, elle reste dans lâignorance.
Il ne faut pas sâĂ©tonner quâen sây prenant ainsi, cette Ă©cole-lĂ souffre de la dĂ©motivation et de lâindiscipline de ses Ă©lĂšves.
Elle nâest pas dans lâĂ©lĂ©gance, mais dans la lourdeur. Elle nâest pas dans le travail, mais dans le labeur.
Cette Ă©cole installe chez les jeunes gens un sentiment perpĂ©tuel de manque. Elle est, comme dirait Comte-Sponville, dans lâespoir et dans le regret, au lieu dâĂȘtre dans lâamour. LâĂ©lĂšve est marquĂ© par la peur et le regret, peur de ne pas ĂȘtre Ă la hauteur des prochaines Ă©preuves et regret de ne pas avoir travaillĂ© davantage pour les prĂ©cĂ©dentes.
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Le lycĂ©e Ermesinde veut renverser cette tendance, en misant sur la diversitĂ© de ses Ă©lĂšves, sur ce quâils ont Ă apporter, dans lâintĂ©rĂȘt de la communautĂ© et. donc, dans leur propre intĂ©rĂȘt. Le principe fondamental du lycĂ©e Ermesinde consiste Ă dĂ©ployer et Ă exploiter la diversitĂ© de ses Ă©lĂšves, diversitĂ© de talents et diversitĂ© dâhistoires.
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Le lycĂ©e Ermesinde nâa pas seulement pour but dâorienter les Ă©lĂšves vers la place quâils auront intĂ©rĂȘt Ă occuper aprĂšs. Il les oriente dâemblĂ©e, en les « plaçant » dĂšs le dĂ©part dans les domaines oĂč ils semblent les plus forts, en les attendant lĂ oĂč ils peuvent fournir le plus facilement et le plus utilement. Cela sâapplique Ă©videmment dans les entreprises et dans les travaux personnels, mais aussi dans les cours. Il en rĂ©sulte cette belle complĂ©mentaritĂ© dont parle Rousseau, facteur dâenrichissement et de satisfaction.
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Les branches interdisciplinaires ont pour mission dâĂ©clairer les enjeux de notre temps et de proposer des solutions. Elles ont de ce fait la mission de munir les Ă©lĂšves dâune solide culture gĂ©nĂ©rale dans le sens dâune connaissance approfondie de notre patrimoine.
Or, au lieu de livrer le patrimoine, elles partent du principe que le patrimoine est dĂ©jĂ lĂ , quâil rĂ©side dans la diversitĂ© des Ă©lĂšves, dans leurs histoires personnelles, dans leurs talents, dans leurs connaissances et dans leurs ambitions.
Il suffit, pour le faire apparaĂźtre, de demander, en rĂ©unissant les Ă©lĂšves autour dâune question et en les saisissant de lâenquĂȘte.