« LâĂ©lĂšve au centre » est devenu le mot dâordre de toutes les politiques dâĂ©ducation modernes. Des slogans comme « de SchĂŒler do ofhuelen wou en ass » reflĂštent une volontĂ© dâassister lâĂ©lĂšve le plus Ă©troitement et le plus individuellement possible dans son apprentissage. Des structures et des postes en grand nombre ont Ă©tĂ© créés pour se plier le mieux possible aux besoins de chaque enfant.
Cette maniĂšre de procĂ©der comporte cependant deux problĂ©matiques majeures. Tout dâabord, elle met le poids sur les faiblesses. Les initiatives, les mesures et les institutions qui ont foisonnĂ© ces derniĂšres annĂ©es visent presque toutes Ă refaire des retards, Ă rattraper des lacunes, Ă compenser des troubles dâapprentissage, Ă satisfaire des besoins spĂ©cifiques. Rares sont celles qui sâintĂ©ressent Ă dĂ©velopper des capacitĂ©s particuliĂšres au-delĂ et en dehors des programmes, indĂ©pendamment de quelque trouble ou difficultĂ© particuliĂšre. Les programmes en tant que tels sont Ă©videmment Ă lâorigine de cette problĂ©matique. Tant quâon Ă©value le niveau des Ă©lĂšves par la distance qui les sĂ©pare du programme, on est dans une logique verticale oĂč les forts sont ceux qui sont proches du programme et les faibles ceux qui en sont loin et quâil faut en rapprocher. En se rendant compte que dans la mĂȘme logique les programmes se bornent Ă ce qui se laisse le mieux dĂ©finir et le mieux mesurer â en gros le calcul et lâorthographe â on a une idĂ©e de lâĂ©troitesse de ce monde.
La deuxiĂšme problĂ©matique est la suivante : mettre lâĂ©lĂšve au centre ne lâenferme pas seulement dans les faiblesses et dans les programmes, mais aussi dans lui-mĂȘme. Toutes les aides ne visent finalement que son propre avancement, sa propre carriĂšre, sa propre rĂ©ussite, sa propre conformitĂ©. Tous ces Ă©ducateurs appliquĂ©s Ă sâoccuper de lâintĂ©rĂȘt de chaque Ă©lĂšve, ne serait-il pas temps quâils sâoccupent de lâintĂ©rĂȘt de nous tous ?
Au lieu de pousser les Ă©lĂšves dans la course aux programmes, au lieu de les plaquer sur des questions dont tout le monde connaĂźt la rĂ©ponse, ne feraient-ils pas mieux dâattendre et dâexiger des jeunes gens quâils se saisissent des questions du monde prĂ©sent, complexe et incertain, et quâils essaient de trouver des rĂ©ponses nouvelles, meilleures que celles que nous avons trouvĂ©es et que nous appliquons toujours ?
Que faut-il encore pour que le monde de lâĂ©ducation comprenne que le temps presse, que le monde doit Ă©voluer urgemment, lâĂ©conomie, la politique, la science, la culture, parce que les rĂšgles actuelles ne sont plus les bonnes et quâil devient absurde et dangereux de les perpĂ©tuer ? Au lieu de lâĂ©lĂšve, il faut mettre le monde au centre des prĂ©occupations, dâabord les autres, la classe, la communautĂ©, la sociĂ©tĂ©, lâespĂšce humaine, la nature, lâavenir. LâĂ©lĂšve devient acteur, non plus seulement de son propre apprentissage, mais du monde. Il apprend non plus seulement pour lui-mĂȘme, mais pour contribuer Ă la bonne marche du monde, au bien-ĂȘtre gĂ©nĂ©ral. Sâengager devient une nĂ©cessitĂ©, une mission, une chance, un honneur. Cette perspective le transforme et le forme, câest la communion de lâintĂ©rĂȘt individuel et de lâintĂ©rĂȘt collectif.