Lycée Ermesinde

Lycée public autonome à plein temps

StÀerkte viru SchwÀchten

Lycée Ermesinde

Lycée public autonome à plein temps

Il y a des mots que l’air du temps fait souffrir. La « gratuité » est un mot particuliĂšrement malmenĂ© par l’économie d’aujourd’hui. Sa signification, devenue largement monĂ©taire, a malheureusement enfoui sa splendeur originelle. S’il est lĂ©gitime aujourd’hui de se mĂ©fier de tout ce qui est gratuit, le sens originel du terme relĂšve d’une innocence aussi noble que suave.

Gratis (de gratiis) dĂ©signe les choses qui sont grata. Or il n’y a guĂšre de terme plus somptueux que gratus. Voyez un peu ses significations selon Gaffiot : agrĂ©able, bienvenu, aimable, charmant, ce qu’on accepte avec plaisir et reconnaissance, cher et prĂ©cieux.

 

Ce qui ne coĂ»te rien apparaĂźt donc comme ce qu’il y a de plus prĂ©cieux. Ce qui n’a pas de valeur monĂ©taire est ce qui a le plus de valeur. Ce qui est gratuit est libre et dĂ©sintĂ©ressĂ©, par opposition Ă  mercennarius, c’est-Ă -dire au coĂ»t et Ă  l’intĂ©rĂȘt. Ce qui est gratuit relĂšve de cette grĂące des jansĂ©nistes qui ne dĂ©pend pas de nous et qui est indĂ©pendant de nos mĂ©rites.

La gratuitĂ© en devient parent de la libertĂ©, de l’insouciance et, finalement, de la beautĂ©, par opposition Ă  ce qui relĂšve de notre responsabilitĂ©, au principe rĂ©el qui veut que nous ne restions pas inactifs, Ă  notre sens moral, Ă  notre conscience lourde et redoutable.

L’analogie peut ĂȘtre faite avec les branches disciplinaires et interdisciplinaires du lycĂ©e Ermesinde. Les premiĂšres, c’est-Ă -dire les langues et les mathĂ©matiques, et les secondes, les sciences humaines et naturelles, appartiennent Ă  deux registres diffĂ©rents. Or ces deux registres sont complĂ©mentaires, car l’homme a besoin de beautĂ© et d’utilitĂ©.

On peut voir l’histoire de la gratuitĂ© comme un plaidoyer pour la libertĂ© des langues et des mathĂ©matiques. Les considĂ©rer essentiellement comme des outils nĂ©cessaires leur fait autant de tort que de restreindre les sciences Ă  l’application des formes, des techniques et des thĂ©ories langagiĂšres et mathĂ©matiques.

 

Le lycĂ©e Ermesinde se concentre beaucoup sur les causes Ă©cologiques et Ă©conomiques de notre temps. Les branches interdisciplinaires et une grande partie des travaux personnels et des mĂ©moires y sont consacrĂ©es. Les grandes problĂ©matiques auxquelles nous sommes confrontĂ©es aujourd’hui risquent de coĂ»ter chers Ă  nos enfants.

 

Ce n’est pourtant pas une raison de s’éloigner des occupations gratuites que l’homme a toujours pratiquĂ©es en parallĂšle, tout au contraire. ConsidĂ©rons les langues et les mathĂ©matiques comme un espace de libertĂ©, comme une rĂ©serve, un privilĂšge, dont tout le monde devrait pouvoir profiter, un espace de rĂȘves, d’histoires et d’histoire, de curiositĂ©s et de problĂšmes amusants.

 

Ce qui est gratuit a de la valeur, une valeur autre que les grands dĂ©fis de notre temps. Or il serait dĂ©sastreux de vouloir en privilĂ©gier l’une ou l’autre. La beautĂ© et l’utilitĂ©, l’art et l’industrie, le loisir et le nĂ©goce, comme disaient les Anciens, sont Ă©galement vitaux, dans la vie comme dans l’éducation. Entre la lĂ©gĂšretĂ© et la lourdeur, entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ©, entre le jeu et l’affaire, il ne faut pas choisir.

 

Mais s’il fallait malgrĂ© tout prendre position et faire pencher la balance, je la ferais pencher vers la beautĂ©, cette jouissance et cette gĂ©nĂ©rositĂ©, seule capable de nous donner la force et la hauteur, pour ne pas dire l’insouciance et la naĂŻvetĂ©, pour apprivoiser la rĂ©alitĂ©.